Da Silva "Décembre en été"

Publié le par galerne

Un écorché vif plein de talent

 

Plus qu’une simple vague dans l’océan hexagonal de la chanson rock, la voix éraillée et les compositions entêtantes de Da Silva ont bâti un disque diablement séduisant. Avec l’indécision qui est beaucoup diffusée sur les radios en cette période de rentrée, Da Silva est un artiste en devenir trouvant enfin le chemin de la reconnaissance.

Nouveau venu dans le label Tôt ou tard, Da Silva n’en est pas pour autant à ses premiers faits d’armes. Il n’a pas encore trente ans, mais il a déjà passé plus de la moitié de sa vie à se consacrer au rock. Après des années d’électricité et de rage dans des groupes punk, cet auteur-compositeur se range dans la chanson. C’est donc dans un environnement acoustique et intimiste qu’il a choisi de réaliser son premier album en solo « Décembre en été ». Pourtant apaisé mais toujours bouillonnant, l’artiste envisage son nouvel album comme le prolongement naturel de ses multiples expériences musicales. Sa voix accroche cœur, rauque et rock, qui rappelle Ridan dans le phrasé, s’accompagne de mélodies dépouillées, à base de guitare sèche, de violon et de mélodica. Da Silva possède une voix unique et marginale, racleuse et adolescente, précocement usée et chancelante. Cette voix n’est pas sans rappeler la rugosité de Miossec et la mélancolie pudique de Daniel Darc dont il se réclame d’ailleurs. Poète allégoriste et sensible arrangeur de mots, il habille ces écrits d’une formule guitare-voix au ravissant dénouement. Quelques airs de fado nous rappellent également ses origines portugaises. Ensuite, il y a les textes bien sentis de ses chansons courtes qu’il a souhaité comme des vignettes, intimistes, à la rage sourde et contenue. Avec un style bourré de finesse, il envoie de la colère rentrée, de la poésie, du spleen et même de l’humour. Il dénonce l’air de rien les petits travers de nos sociétés et râle quand il voit revenir dans nos esprits l’idée d’un monde d’ordre et paranoïa. Des textes qui parlent de relations amoureuses avortées, décaties ou terminées et de sentiments incendiaires et incendiés. S’il passe par le prisme des relations entre hommes et femmes, c’est pour évoquer d’autres thèmes. La traversée évoque l’histoire d’un homme qui a du mal à renoncer à l’enfance. Sous ses allures de bulletin météo poétique, « une éclaircie » aborde le dégoût né lors des dernières élections présidentielles. Sur la chanson-titre, Da Silva donne la réplique à Françoiz Breut pour conter les derniers jours de Rimbaud.

La voix râpe, écorche, chez lui il y a des accords qui obsèdent et une séduction de la noirceur. Un an après avoir été découvert en première partie de Cali, il trace maintenant son propre chemin. On pourra le trouver un peu vert comme le premier Miossec. Mais c’est dans les interstices d’une assurance encore frêle que pousse l’excellence de Da Silva. Entre vifs éclats et grisonnement dubitatifs, Da Silva nous offre un disque brillant, où la délicatesse sonore se confond avec la poésie des nouveaux jours.


Pour écouter une interview réalisée au Printemps de Bourges en avril 2006 avec 5 titres cliquer ici
Pour écouter une interview réalisée au Café de la danse à Paris en octobre 2005 cliquer ici
Pour voir une exploration des textes de l'album "Décembre en été" cliquer ici

Site officiel:
www.totoutard.com

Le blog de Da Silva:
www.totoutard.com/blog/dasilva

Le forum:
manudasilva.zikforum.com

Publié dans critiques d'album

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